26 mai 2010

Robin des Bois

J'ai vu ce film au cinéma. J'ai grassement payé ma place pour aller apprécier la verve technique d'un Ridley Scott qui n'a plus rien à prouver, sauf à sa fille naturelle, Kristin, qu'il a eue avec Pascal Thomas. A Ridley Scott je dirais "Bon film mais achète-toi des oreilles, ta musique parvient presque à ruiner ton film". En effet l'accompagnement musical de Robin des Bois "n'est pas très heureux" comme dirait ma maman de manière euphémique, et il parvient presque à rendre certains passages insupportables. A part ça, Robin des Bois se laisse regarder. Les dames apprécieront le style toujours aussi rustique agrémenté d'une touche sensible d'un Russell Crowe au sommet de son art ; les messieurs savoureront certaines séquences d'action plutôt bien réussies.

Plutôt qu'un long discours, revenons sur l'histoire qui nous est contée dans ce film. En fait, le scénariste est Brian Helgeland, surtout connu pour avoir réalisé Chevalier et pourtant c'est loin d'être son plus haut fait d'arme. Je l'aime bien ce Brian : il a réalisé Payback et il a collaboré avec Clint Eastwood. Mais ce qu'il faut aussi savoir, c'est que si Brian Helgeland est bien crédité au scénario, il n'en reste plus grand chose puisque celui-ci a été lourdement remanié, comme ça semble être de coutume à Hollywood. Au départ, le film s'appelait "Buckingham" et Russell Crowe devait jouer le sherrif de ce bled. Puis ça a changé, Russell devait jouer le sherrif ET Robin des Bois. Puis finalement uniquement Robin des Bois. Pareil, au départ il devait avoir les cheveux longs pour le rôle mais au dernier moment les cheveux courts se sont imposés. Au final, on sent que l'histoire a subi quelques remaniements assez costauds. Par exemple, QUID des enfants qui vivent dans la forêt qu'on aperçoit un peu au début, puis qui reviennent un peu aux 2/3 du film et qui reparaissent comme des petites fleurs à la toute fin pour aider une Lady Marianne aux prises avec un violeur chauve ?



Pour en revenir à l'histoire, celle-ci est un peu inversée par rapport à l'histoire classique qu'on connait. Si vous ne voulez pas en savoir plus passez votre chemin à partir de maintenant.

En fait, ce n'est pas l'histoire d'un noble fidèle au roi Richard Lion-Heart qui revient dans une Angleterre livrée à elle-même sous la gouvernance approximative du Prince Jean. Non, ce n'est pas Kevin Costner qui retrouve son château aux proies des flammes, ni Cary Elwes qui fait la rencontre de Petit-Jean sur un pont, ni non plus Pef, Jean-Paul Rouve, Marina Fois et leurs compagnons dans des sketches approximatifs, c'est seulement l'histoire d'un homme qui se trouve au bon endroit au bon moment ("right time, right place, different movie" comme dirait John Carpenter).

Dans ce film qui cherche à revisiter l'histoire, Russell Crowe n'est pas Robin de Locksley, mais Robin Longstride, un simple gueux, l'un des archers de Richard Coeur de Lion. Il est probablement parti rejoindre la croisade sur un coup de tête, rien ne laisse croire que c'est pour oublier une femme mais vu l'air de chien battu qu'il se traine tout le long de film on sent que son coeur a été brisé à un moment-clé de sa vie, encore une femme qui laisse le coeur d'un homme tel les environs du Mont St Helens après la fameuse éruption du 18 mai 1980. Parce qu'un homme c'est sensible et Russell Crowe a une sensibilité à fleur de peau. Son regard fuyant, son front marqué par des rides profondes, c'est, comme le déclare l'un des personnages de Retour Vers le Futur 3, "un homme brisé".



Depuis plus de 10 ans, Robin Longstride se bat pour le roi, il est usé par la vie et Russell Crowe joue la partition avec une perfection rarement égalée. S'il n'y avait pas eu la prestation de Javier Bardem dans Biutiful (que je n'ai pas vu), j'aurais misé mon cheval et sa selle sur Russell Crowe pour l'Oscar 2010 du meilleur acteur. Mais Russell n'aura pas la chance de dire devant le monde entier à quel point il a la chance de partager la vie de Pénélopé Cruz, parce qu'il n'est pas un espagnol doté d'énormes cojones et d'un menton qui voit la lumière du jour une heure avant son propriétaire. D'où la raison crédible de choisir Russell Crowe pour jouer un personnage d'un petite trentaine d'années (mais qui, à cette époque difficile, en ferait 50 maintenant, tout a été pensé en crédibilité dans ce film à 200 M$).

The scene takes place in France, la croisade touche à sa fin, il ne reste au roi Richard plus qu'une partie de la France à traverser pour retrouver sa chère Angleterre. Mais, dans un dernier baroud d'honneur, Richard décide d'aller raser un château Français situé sur son chemin. Durant le siège, Richard Coeur de Lion cherche la meilleure manière de faire céder la grande porte d'entrée. Ici Ridley Scoot nous montre tout son génie de mise en scène. En quelques plans et dialogues adéquates, il parvient à nous faire une analyse complète du personnage de Richard Coeur de Lion, et après ces quelques secondes de présentation, on sait que ce roi "ne passera pas l'hiver" comme aurait dit mon grand-père. La scène est simple mais tout y est dit : à quelques mètres de la grille du château assiégé, Richard Coeur de Lion défait ses chausses pour faire ce qu'on appelle un "numéro 2", histoire de narguer de la manière la plus outrageante les français courroucés. Une pluie de flèches accueille cet exploit. Cette scène fondatrice nous permet de plus d'introduire le personnage de Russell. Avec son arc et ses flèches, il fait partie de la troupe venue à la rescousse du roi pour tenter de l'empêcher de mourir en chiant.



Sauvé une première fois lors de cette scène-clé, ce crétin de roi finira par se prendre un carreau d'arbalète dans le cou. A ce moment de l'histoire, Robin est "aux fers" avec 4 potes parce qu'il a fortement contribué à déclencher une baston la veille au soir, en tentant de tricher au fameux jeu du "pois-chiche caché sous l'un des trois pots mais lequel ?".

Le fidèle intendant du roi Richard, Robert Locksley (en fait, celui qui aurait dû être le vrai robin des bois à la base), est chargé de ramener la précieuse couronne en Angleterre pour la remettre à l'héritier légitime, the elder brother, Prince Jean. Pendant ce temps, Russell et ses 4 potes, qui ont assisté à la mort du roi, en ont profité pour déserter l'armée anglaise en déroute et pour rentrer par leur propre moyen en Angleterre. Ils arpentent à grandes enjambées la forêt de Fontainebleau pour rejoindre la Manche à la recherche d'un bateau qui pourrait les ramener vers la Perfide Albion.

Alors que Bob Locksley et sa troupe traversent eux aussi la forêt de Fontainebleau au grand galop pour satisfaire à leur mission, ils sont pris en embuscade par un certain Godeffroy, un traitre anglo-français à la solde de Philippe V le roi de France, qui cherche à récupérer la couronne, la mettre sur sa tête et hurler qu'il est dorénavant le roi d'Angleterre en plus d'être celui de la France, surement à causse d'un complexe d'infériorité causé par les dimensions réduites de son sexe. Juste un petit peu de trivia sur l'acteur qui joue le grand méchant du film Godeffroy (que son frère et ses amis appelle Joe) : il s'agit de Mark Strong qui est devenu le grand méchant à la mode ces derniers mois. On peut le voir en grand méchant dans Sherlock Holmes et dans Kick Ass. Et comme rien n'est moins original que les idées à Hollywood, attendez-vous à le voir en grand méchant dans des tas de films à venir. Par exemple, un petit tour sur ses projets en cours et le voilà crédité en tant que Sinestro dans le futur Green Lantern (2011). Je ne connais pas Green Lantern, je suis pas fan des comics, mais un personnage qui s'appelle Sinestro (avec les idées moisies des auteurs des comics) doit forcément être le gros méchant de l'histoire. Donc attendez-vous à bouffer du Mark Strong à toutes les sauces dans les mois et les années à venir. Il aurait été approché pour jouer le dragon dans Le Hobbit : un voyage inattendu.



Pour en revenir à Robin Hood, l'embuscade ne laisse aucun survivant, mais pas de chance pour les méchants car Robin et ses 4 potes (dont un certain Petit Jean qui se trouve être vachement balèze) ont tout vu. Avec leur talent à l'arc, ils crèvent facilement les méchants et récupèrent la couronne. Ensuite, Robert Locksley, le vrai, mourant, donne pour mission à Robin de ramener la couronne à Londres, mais aussi de ramener sa précieuse épée à son père, Walter Locksley (interprété par un MAX VON SYDOW en roue libre). Un pacte de sang se crée car Robin s'ouvre la main en prenant l'épée (dont la garde est abimée) des mains de Robert. C'est un pacte de sang, donc il ne peut plus reculer, l'honneur dicte sa conduite, c'est un homme d'honneur, il ira jusqu'au bout de sa mission pour honorer ce pacte car son honneur est tout ce qu'il lui reste.

A partir de là, un quiproquo se crée car Robin décide de se faire passer pour Robert. Ce stratagème lui permet d'arriver plus facilement en Angleterre, de ramener la couronne et d'éviter d'être soupçonné d'avoir instigué l'embuscade. Mais il n'a pas de chance. Sans le savoir, Russell est connu "comme le loup blanc" en Angleterre (là aussi gros trou scénaristique dans le film et expédié comme si de rien n'était) et c'est William Hurt, dont la classe relève l'éclat d'un film qui se ternit de minute en minute, qui le premier se rend compte de la supercherie. Mais il ne dit rien car il sait que de grands desseins ont été prévus pour un Robin qui ne s'attend pas à ce qui va lui arriver.

Cependant, Robin laisse le quiproquo se continuer car il se sent investi d'une mission par rapport à l'épée qui lui a été confiée et la ramène donc à Walter Locksley à Buckingham (interprété par un MAX VON SYDOW en roue libre)... Et là, Walter, aveugle et aveuglé, lui demande de passer pour son fils devant tout le monde ! Ça l'arrange car il n'est pas au meilleur de sa forme et il faut un gars de poigne pour relever le duché de Buckingham qui subit la pression taxatoire du clergé et du nouveau roi Jean (qui est, fidèlement à la légende, un sacré connard).



Donc le quiproquo continue. De plus, la veuve de Robert Locksley, Marianne (interprétée par Cate Blanchett), semble au goût de Robin qui en ferait bien son 4h. Le spectateur habitué aux films hollywoodiens sait très bien où l'histoire va mener ces deux individus : d'un côté un beau mâle sensible qui cherche maintenant le repos après des années de guerre, et de l'autre une femme qui n'a connu les plaisirs charnels que le temps de sa liaison avec Robert, soit une semaine. Autant vous dire que la relation est électrique. Robin, obligé de dormir avec les chiens au départ, aurait traumatisé quelques lévriers et autres border-collies qui ont eu le malheur de s'approcher trop près de cet homme alors en plein rêve érotique incluant Marianne, un arbre, une grosse pierre et son appendice tuméfié à force de rester "au garde à vous" serré dans ses chausses manifestement trop serrées.

Bon après, je vous épargne la suite et fin de l'histoire, elle est cousue de fil blanc. Les français tentent de débarquer en Angleterre avec l'aide de leur vilain complice Joe, mais Robin (cette fois sous son vrai blase) et ses potes participent à leur déroute et les renvoient chez eux, ces cons. Le souci, c'est que Bob des Bois s'est mis à dos le roi en faisant le malin et en demandant qu'il signe une charte proclamant la liberté de chaque homme, et le roi a accepté de le faire, mais seulement après la déroute des français. Sauf qu'il change d'avis une fois la victoire acquise et qu'il brûle la charte devant une assemblée médusée et courroucée. Pour conclure, il déclare Robin "OUTLAW!". C'est à ce moment que Bob décide de se réfugier en forêt avec Marianne (qu'il a fini par séduire en lui montrant qu'il avait une grosse flèche pas uniquement dans son carquois) et les autres gens qui ont décidé de suivre ce type si charismatique (Petit Jean, Frère Tuck et j'en passe).

Juste après ça, hors caméra, Russell Crowe se transforme en renard.


Robin des Bois de Ridley Scott avec Russell Crowe et Cate Blanchett (2010)

3 mai 2010

Nine

Nine, dont le titre au Québec est "Neuf", est un film à voir. On l'a lancé pour bouffer devant, Félix et moi : il est resté sur l'écran 17 minutes montre en main. La séquence d'ouverture c'est quelque chose. Unique en son genre. Daniel Day-Lewis joue un réalisateur de comédies musicales italiennes pour Cinecitta, dans les années 50, un Fellini foireux. Il est en manque d'inspiration, s'assied dans un studio vide, et là il voit danser (ce qui, dans le film peut se traduire par marcher lentement et comme un tapin sur le bord de la 113) pour lui toutes les femmes de sa vie, sa reum (Sofia Lorren, filmée par un type qui manifestement ne la connaît pas et n'a pas plus de respect pour elle que je n'en ai pour lui), une critique de cinéma américaine sans charisme (Kate Hudson) et toutes les autres dames à l'affiche du film. La scène dure 6 minutes, sur la chanson la plus officiellement laide de l'histoire de la musique. Bref il faut voir cette scène pour constater les dégâts et se réjouir de connaître ce qui peut se faire de plus visiblement nul dans le cinéma, pour des millions de dollars, en toute impunité.



Le truc qui fait que les comédies musicales c'est fini et définitivement fini, et qu'Hollywood devrait arrêter d'en produire (et là je ne parle même pas de ce film-là qui est en dessous de tout), c'est que Hollywood, plus que jamais, ne monte des films que sur des stars de cinéma "banquables". Or ces gens-là ne savent ni chanter ni danser. Même en prenant 12 mois de cours intenses avant le tournage, qui feront baver les journalistes et notamment l'équipe de Denisot, on ne devient pas danseur, ni chanteur. Autrefois quand Fred Astaire dansait, c'était beau, parce que c'était un danseur. Dans Top Hat, la caméra est fixe, en plan large, et Fred Astaire a intérêt à faire le spectacle (il le faisait) parce qu'on voit ce qu'il y a dans le bonhomme avec ce genre de mise en scène. Aujourd'hui, avec la louma, les dizaines de milliards de plans qui se succèdent sans qu'on ne voie rien, précisément on voit que dalle, et que ce soit le chanteur nul à la télé ou la star Hollywoodienne au cinéma, ils peuvent être affligeants, être totalement dépourvus de contenance, 100% bidons, ne pas savoir bouger, n'avoir aucune prestance ni aucun talent, de toute façon on ne voit rien et les mouvements vertigineux de caméra font impression à leur place sur tous ceux qui n'ont aucune exigence. Le pire c'est qu'ils se croient vraiment géniaux, à tous les niveaux, tous ces abrutis. Nicole Kidman qui chante elle-même dans Moulin Rouge, et maintenant Daniel Day Lewis qui ose pousser la chansonnette, alors qu'il possède, dès qu'il tente de produire une mélodie, une voix glaçante. Et pire encore, nous autres Français, tout le reste du monde, nous trouvons ça génial ! Et on nous bassine avec les Américains si cool qui font un "show" énorme aux Oscars, qui chantent et qui dansent, qui savent tout faire. Oui ils savent tout faire, ils font tout (ils sont très professionnels, certes), ils font absolument tout très mal. Ils chantent mal, dansent mal, jouent mal, (filment mal, mais ça tout le monde le sait). Qui a déjà enduré les Oscars ? Personne. Personne sans souffrir d'entendre des chansons pourries chantées et dansées par des gens qui ne savent faire ni l'un ni l'autre mais qui se contentent d'oser, avec une outrecuidance folle, comme peuvent oser les gens beaux qui n'ont rien à perdre et à qui l'on pardonnera tout parce que les virevoltes de la caméra, les effets pyrotechniques à cent milliards la seconde et les tarés survoltés au montage emballent tout ça et rattrapent le massacre. Ces gens-là sont parfois effectivement beaux mais souvent nuls. On le sent que le film m'a mis les nerfs en pelote et que je pourrais tuer, y compris des gens qui n'ont rien fait ?



A ce sujet il y a autre chose à voir d'urgence dans les 17 premières minutes de ce film atroce. C'est à peu près entre la minute 14 et la minute 17, voire au-delà, je ne sais pas, j'ai éteint. On peut assister en direct à l'auto-sabotage d'un comédien. D'habitude, quand un acteur relativement bon devient mauvais, ça se fait progressivement, on a l'intuition de sa décadence, comme les oiseaux ces gens-là se cachent pour mourir. Là, pour une fois, ce mini-suicide artistique peut être vu en face, peut être daté, admiré à tout jamais. Parce que, croyez-moi, si vous faîtes partie des gens qui appréciaient Daniel Day-Lewis, qui le considéraient comme un grand acteur, eh bien croyez-moi, si vous regardez ce film, à la 14ème minute vous verrez un artiste se suicider, se saborder, et on assiste à ce grand bond sur une mine antipersonnelle impuissant, heureux tout de même, regardant cet acteur chanter sa propre fin et sauter sur lui-même dans un échafaudage, passant et repassant sa tête dans chaque trou de l'édifice en grimaçant et en déblatérant des conneries d'une stupidité maximale. Daniel Day-Lewis, que l'on surnomme DDD pour aller plus vite, s'en remettra sans doute. On compte sur lui.



P.S. : Au tout début du film, la première réplique de D-Day Lewis est: "On n'arrête pas de tuer son propre film. On le tue quand on en parle...". Puis il donne une chiée d'autres manières de tuer son film, que le réalisateur de cette daube semble avoir rigoureusement appliquées à son bébé. On regrette que le réalisateur de cette connerie (oui je me répète mais je ne citerai jamais son nom), n'ait pas laissé clamser son chef d'œuvre dans l'œuf. En tout cas j'aimerais avoir buté Nine en essayant d'en causer. Neuf c'est le nombre de mois que je passerai en réclusion à perpétuité pour avoir pris un selfie avec la très procédurière Marion Cotillard lors de sa montée des marches à Cannes et pour l'avoir mise sur internet. A bon entendeur !


Nine de Rob Marshall avec Daniel Day-Lewis, Marion Cotillard, Penelope Cruz, Kate Hudson, Nicole Kidman et Sophia Loren (2010)