31 mars 2008

The Mist

Dans mon cerveau malade, le réalisateur Frank Darabont est au centre d'un énorme mélange assez peu ragoûtant que je vais tout de suite tenter de vous décrire bien que ça soit très compliqué. Déjà, à cause de son blaze, j'ai toujours assimilé Frank Darabont à Lawrence d'Arabie car d'Arabie à Darabont, il n'y a qu'un pas. C'est déjà grave, mais ça ne s'arrête pas là. Je fais également un amalgame dégueulasse entre Lawrence d'Arabie et Lawrence Kasdan, parce que j'ai toujours cru que c'était Elia Kazan, que je confonds donc aussi avec Lawrence Kasdan, qui avait réalisé le célèbre film avec Peter O'Toole dans le rôle du mythique Lawrence d'Arabie, alors qu'il s'agit en réalité du non moins fameux David Lean. Tout ça parce qu'une seule lettre différencie Kasdan de Kazan et parce que Lawrence Kasdan et Lawrence d'Arabie partagent le même prénom ! Un prénom assez ambigüe soit dit en passant, car jusqu'à environ 21 balais et mon entrée en Terminale, j'étais persuadé que Lawrence d'Arabie était une femme. Sans parler d'Elia Kazan, qui pour moi aussi était une femme ! Lawrence et Elia, ça sonne comme des prénoms de femmes, on est d'accord non ? Pour moi c'était évident. Je me souviens même d'avoir pris une mauvaise note à cause de tout ça, j'avais mis dans une copie que Lawrence d'Arabie était une célèbre réalisatrice hollywoodienne communiste et homosexuelle des années 50, alors que rien de tout ça n'est vrai, à part peut-être son homosexualité. Bref. Tout ça pour dire que Frank Darabont m'a longtemps pourri la vie.



Frank Darabont c'est quand même lui qui a réalisé La Ligne Verte, The Shawshank Redemption, The Green Mile et Les Evadés. Quatres films qui vont de paire. Quatre adaptations du maître de l'horreur ricain : Stephen King. The Mist est une nouvelle adaptation de l'une de ces nouvelles. Une histoire que King a écrite juste après son grave accident de voiture suivi d'un coma en CDI qui a failli lui coûter la vie. Je le précise car vous n'êtes pas sans savoir que selon les spécialistes de Stephen King il existe deux périodes clairement identifiables dans la vie du romancier : une première période qui commence à ses débuts et s'arrête brutalement en même temps que sa voiture lancée à toute allure dans un pylône un beau matin de février 1995, c'est à dire une période "pré-accident", où l'auteur a écrit de grands romans fantastiques souvent considérés comme des classiques du genre. Et une seconde période dite "post-accident", qui démarre en même temps que l'ambulance l'amenant à l'hosto en vitesse et qui se prolonge encore aujourd'hui ; une période difficile durant laquelle l'auteur semble avoir profité de son blaze pour vendre d'infâmes histoires sans queues ni têtes dont The Mist fait donc partie.



Dans The Mist, un brouillard très épais s'abat sur le monde, cachant des bêtes immondes venues tout droit d'une autre dimension : des araignées géantes, des moustiques géants, des oiseaux sans plumes géants et, vers la fin, on voit même une bestiole encore plus géante qui doit bien faire huit fois la taille de l'Arc de Triomphe, du jamais vu. Comme elles viennent d'un monde parallèle, ces bêtes sont toutes foncièrement méchantes et s'en prennent à l'homme sans motif apparent, mais bien qu'elles soient moches, elles sont très propres car elles sortent toutes du même ordinateur dernier cri, un outil impec qui laisse jamais rien dépasser, aucune mauvaise trace, tout nickel chrome. A la fin du film le brouillard se dissipe, mais seulement une paire de minutes après que notre héros sans charisme ait conseillé à ses camarades rescapés (un couple de vieillards et son fils unique) de mettre fin à leurs jours car c'était la seule chose à faire. Le dernier plan du film c'est le héros qui n'a rien trouvé de mieux pour jouer sa tristesse et exprimer ses remords que d'hurler à la mort en se tapant la tête contre le volant de sa voiture.
Pour vous plaindre : françois.darabont@caramail.com


The Mist de Frank Darabont (2007)

28 mars 2008

Machos

Eh oui c'est le premier film porno critiqué dans ces pages, et il sera traité comme tout le monde. Félix et moi avons choisi celui-là parce que son scénario est une idée à laquelle on a tous pensé un jour. Qu'est-ce que ça ferait si j'étais un homme dans un corps de femme. Et vice versa. Fred Coppula répond à ce dilemme dans le plus simple appareil et en 90 minutes. Fred Coppula c'est le grand magnat du porno Français qui a régné sur le petit monde de la pornographie depuis le milieu des années 90 (date à laquelle on lui a offert son premier caméscope et où ses cousins ont atteint la puberté) et qui règne encore en maître tandis qu'il est désormais passé à la production, véritable dénicheur de nouveaux talents et mécène sans tabou. Il s'est très vite fait un nom dans le milieu en suggérant l'idée d'un film tourné en temps réel, un film dont le tournage a été avorté quand l'acteur principal a eu envie d'aller aux toilettes en plein coït final et quand l'actrice a eu les premiers symptômes d'une bronchite carabinée au cours d'une fellation aux méthodes ancestrales. Après cet échec Fred Coppula a signé sa fameuse trilogie qu'on rapproche souvent du décalogue de Kieslowski auquel on aurait soustrait 7 films et dont on aurait effacé tout le message biblique pour se centrer sur quelque chose de plus près de l'origine de l'homme. Le titre de cette trilogie est un clin d'œil à celle de James Cameron, j'ai nommé Terminator. En effet Fred Coppula a choisi pour titres: T1, T2 et T3, le premier film se déroulant dans une chambre de cité U, le second dans un petit appartement de 30m2 et le troisième dans un trois pièces plus spacieux. L'idée de Coppula c'était que dans chaque film les acteurs devaient s'adapter à l'espace de leur appartement pour copuler. Fred Coppula se plaçait là en tant que chercheur du X, et démontrait que la qualité de vie dépend entre autres de la surface de l'habitation. Depuis cette thèse n'a jamais été réfutée, et par ailleurs elle n'avait jamais été établie non plus avant que Fred Coppula s'y colle. Un quatrième volet intitulé "Pavillon" serait en chantier. Vers 1998 Fred Coppula a quelque peu négligé son éthique en s'abaissant à de vulgaires parodies de la coupe du monde de football afin de surfer sur la vague du succès et remplir son porte monnaie, en filmant des joueurs de l'équipe de France A' pris au piège dans un vestiaire verrouillé de l'intérieur par une troupe de ramasseuses de balles qui ont par la suite avoué vouloir pour gosses de petits génies du ballon rond. Tout de suite après Coppula retourne à ses rêves de grandeur. Et nous voila devant Machos. Coppula réunit les deux plus fameux acteurs du moment : Titof et Océane. Le premier n'ayant qu'une couille et la seconde ayant trois yeux, les deux n'ayant pas de nom de famille. Séquence d'intro : Deux grands gaillards arrivent en vacances sur la Côte d'Azur, à Cassis, bien décidés à trouver leurs âmes sœurs. Hélas après un quart d'heure de film passé à rôder de bar en bar, de camping en camping, de pizzaïolo en pizzaïolo, de paillote en paillote, de concours de pétanque en championnat de ping-pong, de matchs de volley endiablés en beach soccer en salle, nos deux héros ne gagnent que quelques bleus et autres entorses. À la fin de cette rude première journée, ils se résignent à regagner leur hôtel miteux pour y reprendre des forces. Mais au petit matin quelle n'est pas leur surprise quand nos deux gaillards s'aperçoivent qu'ils ont désormais des corps d'actrices porno. Et alors, après mille échecs dans leurs carcasses viriles, ils deviennent "les plus grosses niqueuses" (sic.) de toute l'Europe méridionale (Grèce incluse). Après une demi heure perdue sur le vieux port en quête de femmes, comme mus par un vieux réflexe, l'un des deux personnages croise son reflet chaloupé dans une vitrine et décide d'accepter son destin en allant chercher garouille auprès du vendeur de godasses, dernier puceau de la cité phocéenne. Ayant découvert les charmes des plaisirs féminins, les voilà possédés par une envie irrésistible de collectionner les hommes. C'est cette envie qui va dicter la suite du script et combler le reste du film autant que le spectateur en mal de sensations pures.

 
 
Y'a un hic dans ce film. Une vraie question de mise en scène que Coppula soulève et laisse tomber aussi sec. L'ensemble du film est tourné de façon très classique tandis qu'arrivé à 70% du métrage, un coït tout entier est filmé en caméra subjective, ce qui m'a plutôt gêné. Tandis que l'on est mis à la place de l'homme subissant plus ou moins un rapport génito-bucal digne de l'Enfer sans dire un mot, l'actrice regarde la caméra sans détour et avec une concupiscence située à 12 sur l'échelle de Richter, sachant qu'elle ne compte que 6 échelons. Le problème c'est que ce genre de scène a pour but de nous mettre dans la peau de l'homme et de nous donner l'illusion qu'on vit nous-mêmes ce que la dame démoniaque mais fort bienveillante lui administre. Le souci, c'est que c'est râpé pour le public féminin, et d'une, et de deux c'est que personnellement, j'ai plutôt du mal à m'identifier à la partie inférieure du corps de cet acteur, inférieure et pourtant tellement supérieure à la mienne. Comment accepter ce nouveau tatouage sur l'aine disant: "Je fait sa pour ma mère" écrit à l'envers. Comment me résoudre à ces jambes bâties pour la chasse à coure et tristement dénuées du moindre duvet. Comment tolérer ces pieds Chinois palmés jusqu'aux bouts des ongles, tous incarnés jusqu'à la garde. Comment supporter cette cicatrice d'appendicite rapidement guérie par le boucher de l'abattoir de Couiza. Je n'ai jamais eu l'appendicite. Comment m'habituer à cette crête de poils rêches et blond platine traçant sa route sinueuse du nombril jusqu'au gland, dans un éclair tragique. Comment accepter ce genou gauche doublement fracturé et encore cabossé. Comment admettre ce genou droit, pourtant sain et sauf, aussi embouti que le vieux pare-choc de ma kangoo et digne de ceux de Marcel Dessailly. Comment m'identifier à ce sexe de sept mètres de long numéroté avec un code-barre digne d'un musée sur les rescapés d'Alcatraz, coiffé d'un piercing à l'urètre duquel pend un porte-clé à l'effigie de la chanteuse Madonna. Personnellement, en ce qui me concerne, je ne peux pas, et je refuse de découvrir le buste endiablé de cet homme manifestement possédé. On a là un cas de Poltergeist unique dans l'histoire du cinéma, même en se rappelant le film de Tobbey "Chainsaw Massacre" Hooper. 
 
 
Machos de Fred Coppula avec Océane, Laura Angel et Titof (1999)

22 mars 2008

Zodiac

Je viens de rentrer chez moi là. J’ai pris le train, puis hop, la bagnole. 55 minutes passées à conduire dans le noir et sous les bourrasques. Mais ne me plaignez pas, au contraire, j’adore les sensations fortes. Il fait un temps de merde ici, vous imaginez même pas. J’ai tout eu sur la route. Tout. De la pluie torrentielle, un vent à vous arracher les tripes, de la neige à foison, du verglas recouvrant chaque centimètre carré de goudron, un brouillard tellement épais qu’en tendant un bâton par la fenêtre j’aurais obtenu une barbe à papa gratos… C’était grandiose. Un véritable typhon s’est abattu sur moi, tandis que je gardais les vitres grandes ouvertes pour ramasser tout en pleine gueule. J’adore tellement ça. Parfois je foutais les boules aux bagnoles qui arrivaient en face en éteignant mes phares au dernier moment, ou en restant plein-phares, mais comme j’en ai qu’un seul valide ça les gênait pas trop ça. Faire chier le monde c’est mon truc. Les jeux dangereux, c’est ma passion. Je suis abonné à ESPN moi. Je suis un dur à cuire, vous vous rendez pas compte. J'ai déjà fait du tir à l'arc, du saut à l'élastique, du deltaplane et des auto-tamponneuses. J'ai passé 67 mois de ma vie à l'hosto, soit presque 6 ans, si on met tous mes séjours bout à bout ; et encore, sans compter toutes les périodes de rééducation. Il ne me reste plus qu'un seul rein, et ce n'est pas le mien ! Selon ma philosophie, la vie se doit d’être une succession d’expériences et il faut la risquer chaque jour autant qu’on peut. Là, en bagnole tout à l'heure, j’ai vraiment pris mon pied comme on dit. Et si je n’avais pas conduit avec mes pieds la majeure partie du temps j’aurais réellement pris mon pied. Une fois arrivé, c’était pas de la pluie sur mon visage, c’était aussi des larmes. J’étais ému jusqu’aux larmes. Les sensations fortes, putain, y’a que ça de vrai. Croyez-moi.

En arrivant, j’ai balancé mon sac dans l’entrée et je me suis mis Zodiac, de David Fincher, dans mon lecteur DVD. J’ai balancé mon sac après y avoir sorti le dvd. J’aime les sensations fortes, certes, mais je voulais quand même pas niquer un dvd à 20 euros.


En exclusivité : le véritable Zodiac de David Fincher, qui lui a inspiré l'écriture du scénario. 
Le film lui est dédié.

Sans bouffer, sans boire, je me suis infligé de voir ce film de merde d’un bout à l’autre sans jamais faire pause. J’adore m’imposer des trucs atroces comme ça. C’est ma passion. Je me suis installé au coin de la cheminée, alors que le feu était éteint, ce qui fait que j’étais en réalité en plein courant d’air, et j’ai rifté mes yeux à même l’écran pour ne jamais perdre une seule seconde du film. Pendant tout le film j'ai repensé avec émotion au voyage en voiture qui m'avait amené jusqu'ici. Ce sanglier évité de peu, cet autre sanglier pris de plein fouet dans mon pare-brise, cet enfant tétanisé sur le trottoir, cet autre enfant dont j'ai vu les yeux devenir rouges de peur, éclairés par mon phare... En fait j'aurais adoré voir ce film dans un drive-in, pour continuer à rouler et à risquer ma vie tout en le regardant du coin de l'œil. Car là je me suis quand même drôlement fait chier.


Zodiac de David Fincher avec Jake Gyllenhaal, Mark Ruffalo et Robert Downey Jr (2007)

19 mars 2008

Urbi et Orbi

C'était un mardi, j'avais passé une journée en bois, enfermé dans ma bagnole parce que je pensais avoir paumé les clefs, alors qu'avec ma sale manie de tester tous les boutons j'avais enclenché le verrouillage centralisé des portières. Après 3 heures de recherche, plié en quatre dans ma putain de Nissan Micra, je les ai vues là, ces putain de clefs, sur le contact, et je les imaginais me tirer la langue, ces connes de clefs. Bref. Je vous en dis pas plus. A un moment j'ai même tenté de sortir par la boîte à gant tellement j'étais désespéré et, je rêve pas, y'avait bien un gosse sur le bas-côté qui riait aux éclats en me matant galérer dans ma bagnole de merde ! Chienne de vie !

Mardi = grosse journée de merde, c'est bien la première fois que je m'enferme dans ma bagnole. D'habitude j'oublie plutôt les clefs à l'intérieur, sur le contact justement, après avoir verrouillée la caisse de l'extérieur. Je me retrouve là aussi dans la merde mais une merde différente car au moins je suis à l'air libre. Je peux faire une promenade dans le parc et dégommer les canards ou aller dans un bar me murger jusqu'au petit matin. Là j'étais coincé dans ma bagnole, toutes vitres fermées et avec rien d'autre à lire que ma carte grise. J'ai fait une grosse sieste pour passer le temps mais dieu sait que j'aime pas faire la sieste. J'arrive pas à fermer l'œil en plein jour. Le pire c'est que quand je raconte cette histoire à mes amis, personne ne me croit. D'un autre côté tant mieux, ça veut bien dire qu'ils ont une estime de moi suffisamment haute pour ne pas m'imaginer con au point de me croire enfermer dans ma propre bagnole.

Bref, après cette journée de feu, je comptais bien rattraper le temps perdu. Hélas, j'avais rien de prévu, strictement rien à foutre de ma soirée. Quand j'ouvrais mon agenda électronique sur Outlook Express, je pensais avoir mis White Screen en wallpaper tellement c'était vide. Je comptais bien remédier à ça. Je me suis dit "Putain mec, t'as qu'à aller au cinoche au moins tu passeras du bon temps et dans le noir personne ne verra que t'es seul comme un rat mort". Alors j'y suis allé avec le sourire. Seul, mais avec le sourire. Je me causais à moi-même et je préférais ça plutôt que causer à un abruti qui m'écouterait même pas.

En arrivant devant le cinoche j'ai maté le programme et je me suis dit "Bon, ok, y'a pas grand chose mais au moins y'a 10 000 de Roland Emmerich. Je veux en prendre plein la vue et profiter au maximum de la grande salle Gaumont en pouvant foutre mes pieds sur les fauteuils sans qu'on me dise rien, alors je vais voir 10 000 !". Je me suis ramené dans la file d'attente en choisissant la caisse où y'avait la plus belle meufs derrière le comptoir. Une de ces blondes sublimes qu'on désigne sous le terme "bombe à neutrons" dans mon cercle de potes. Je lui ai montré ma carte de crédit avec une immense fierté, très sûr de mon coup. J'ai alors dépensé 7 euros avec le sourire. Je savais que j'étais dans le rouge, mais tant pis. Il me fallait un film pour aller mieux. Et jusque là tout allait bien, c'est tout de suite après qu'il m'est encore arrivé une saloperie.

On m'avait dit "Première salle sur votre droite", j'ai dû faire un pas chassé de trop, je me suis retrouvé salle 12 et j'ai maté Urbi et Orbi du début à la fin. Et dieu sait que ce film n'est pas taillé pour moi. Les fauteuils de la salle non plus n'étaient pas conçus pour moi. J'avais une de mes godasses coincée entre les reins du type assis juste devant moi. Je croyais que c'était un endroit où caler son pied comme y'en a dans les TGV alors moi j'hésitais pas à forcer un peu. C'est seulement vers le milieu du film que je me suis rendu compte que je commençais sérieusement à entamer sa chair. Lui il avait l'air endormi. Il avait l'air très vieux aussi. Ptêtre il était clamsé...

Le film Urbi et Orbi, c'est vraiment quelque chose, il faut que je vous en dise quand même deux mots. Alors déjà, il faut bien garder à l'esprit que ça n'est pas un film avec de vrais acteurs. Ou bien si mais ils ne sont jamais dans le cadre, ils tirent les ficelles, car c'est un film de marionnettes. Les personnages sont en bois. On ne voit pas les ficelles mais moi je me suis pas fait avoir, je sais que ce genre de trucs ça s'anime avec des cordes. Dès l'affiche j'ai repéré l'embrouille puisqu'on voit clairement les doigts du marionnettiste dépasser un brin. J'ai essayé de faire abstraction durant le film pour me concentrer un minimum sur l'histoire.

Alors l'histoire justement. C'est un truc pour gosses. Y'a que des bons sentiments, mais après avoir passé une journée en tête en tête avec son volant Nissan ça peut aussi faire du bien à un adulte. Urbi est un petit homme de bois qui ne rêve que d'une chose : voler. Orbi, c'est une abeille en manque de compagnie. Bien sûr les animaux sont, pour les besoins du film, doués de parole. Alors entre Ubri et Orbi le dialogue est tout à fait possible, et Urbi en profite pour demander à Orbi quelques astuces pour réaliser son rêve, car question aérodynamisme et vol en haute altitude, Orbi en connaît un rayon. Orbi voit donc en Urbi l'ami dont elle a toujours rêvé. Elle se montre très agréable avec lui, mais la Nature les empêche tout de même d'avoir des relations aussi chaleureuses qu'ils sembleraient le souhaiter tous les deux. La Nature a également doté Orbi d'ailes qu'Urbi n'a pas et Orbi bénéficie aussi d'un pull over à rayure de fort bon goût. Afin de voler, Urbi commence donc par enfiler un haut à rayure. Il est un peu naïf le pauvre. Il prend son élan depuis un rocher et finit la gueule rétamée dans le sable un peu plus bas. Ensuite il se dit que peut-être les ailes sont l'élément qui lui manque. Alors en deux temps trois mouvements, il se construit deux ailes en carton. Il s'en fout une sous chaque bras, sans l'aide de personne. Car il faut savoir qu'il n'y a que deux personnages dans ce film. Urbi et Orbi. C'est un huis clos.

Pour contenter tout le monde, Urbi finit bien sûr par savoir voler, non pas à l'aide de ses propres ailes en carton, mais bel et bien sur le dos d'Orbi, très heureuse dans son rôle d'avion du pauvre. Une astuce que les deux personnages auront bien mis du temps à trouver.

Le reste du film est donc consacré à la découverte du monde par nos deux héros. Orbi finira hélas la tronche attachée à l'un de ces rubans collants dégoûtants qu'on accroche dans les garages en été pour ne pas être dérangé par les mouches. Et Urbi pleurera son ami.

A la fin du film j'ai pleuré moi aussi. Mais pas tout à fait pour la même raison qu'Orbi. En rentrant chez moi j'ai découvert que je n'avais pas fermé ma porte. Sans doute volontairement, car je n'avais pas envie de me retrouver enfermé dehors cette fois-ci. Et un cambrioleur en a visiblement profité. Là je vous écris depuis un webcafé et le tenant des lieux me regarde en chien de faïence car il semble déjà être au courant que je ne pourrai pas lui payer le temps passé ici. Bon. A plus les mecs, je dois vraiment y aller là.


Urbi et Orbi de François Boutonnet (2007)

Julia

Dix ans après le phénomène La Vie rêvée des Anges, voici Julia, le film qui marque le come back tant attendu d'Erick Zonca sur grand écran. Son nom étant tout à fait imprononçable pour les américains, Erick Zonca a choisi de se faire désormais appeler Rick Zon-K et donc de suivre l'exemple de Jean-Marie Poiré, qui avait dû transformer son patronyme en Jean-Marie Gaubert à la sortie du remake US des Visiteurs.

Une anecdote amusante raconte que quelques mois après son arrivée à L.A., Zon-K aurait croisé Timmy Burton dans un bar et l'aurait directement inspiré pour l'écriture du scénario de Charlie et la Chocolaterie où un dénommé Willy Wonka, clin d’œil très appuyé au réalisateur franco-ricain, se retrouve en proie à une bande de gosses dégénérés dans une fabrique de boîtes de conserve. L'amitié entre les deux hommes n'a hélas pas duré, et je vais à présent vous expliquer pourquoi. Vous n'êtes pas sans savoir que le fameux couple Johnny Depp - Vanessa Paradis a fourni la modique somme de 350 millions d'euros à un hôpital anglais en guise de récompense et de remerciement pour avoir su soigner leur fille Lily Rose de ce qu'ils pensaient être la peste jaune alors qu'il s'agissait d'une simple allergie aux poils du chat mort dégueulasse que trimballe sa mère Vanessa en permanence sur la tête. Or, au même moment, la fille de Zon-k était également l'une des patientes de cet hôpital anglais. Et il se trouve que les nombreux médecins ont préféré s'attarder jour et nuit sur le cas de Lily Rose afin d'obtenir le chèque promis par Depp, délaissant clairement la fille de Rick Zon-K qui souffrait pourtant d'une maladie bien plus grave (une tumeur foudroyante qui transforma littéralement la gosse en paillasson humain). Après l'encaissement du chèque signé M. Depp Jonathan, l'hôpital s'est converti en casino de luxe, et le cadavre de la fille de Zon-k fut retrouvée lors des travaux. Tenu au courant de l'affaire par le journal Voici quelques temps après la mort de sa fille unique alors que le deuil n'était pas entièrement passé, Zon-k a pris pour cible Johnny Depp en le traitant de tous les noms d'oiseaux au journal de 20h de Claire Chazal où il était invité à l'occasion de la sortie dvd d'un documentaire sur les châteaux cathares dont il avait assuré la partie audio. Regardant justement la télé à ce moment-là car Mars Attacks! était programmé juste après, Timmy Burton fut pétrifié, prit son téléphone portable et composa le numéro de Rick Zon-k pour lui dire de ne plus jamais foutre les pieds dans son bar préféré de L.A., lieu de leur rencontre si vous avez bien suivi, car il pourrait bien en ressortir avec les ciseaux d'Edward au mains d'Argent plantés dans le front.



Voilà. Tout ça pour dire que le scénario de Julia fut écrit par Zon-k dans cette ambiance poisseuse, suite à la perte de sa gosse justement prénommée Julia. Il s'agit d'un hommage direct à sa fille qui a terminé en peau de mouton. Pendant l'écriture douloureuse de cette histoire aux mille rebondissements, Zon-k a tout simplement essayé d'imaginer ce que serait devenue sa fille 30 ans après sa mort, c'est-à-dire à l'âge de 40 balais. D'après lui, ça ne fait aucun doute, elle aurait très mal tourné. Julia est une vieille alcoolo très laide et désespérément détraquée. Elle-même considère n'avoir qu'une seule qualité : plaire aux hommes. Elle ignore que c'est uniquement parce qu'elle est une femme facile et que certains hommes n'attendent que ça pour se soulager. Après avoir perdu son job, Julia ne trouve rien de mieux à faire que kidnapper un gamin pour demander une énorme rançon à son grand-père plein aux as. Julia nous raconte donc la triste épopée d'une femme bête comme ses pieds dont chaque décision est un renoncement à la réflexion. Elle finit au Mexique, un pays dont Zon-k nous dresse un portrait alarmant, à l'instar de Kreuzpaintner dans Trade dont je vous ai parlé récemment. Un pays où un gamin ne peut pas rester seul cinq minutes car il finit forcément kidnappé par des types qui ne rêvent que de pognon facile. C'est évidemment ce qui arrive dans Julia. Des mexicains foncièrement méchants kidnappent un enfant kidnappé ! Le gosse se retrouve doublement kidnappé. Et le spectateur, qui en a tellement ras-le-cul de cette histoire qui n'en finit jamais, a à peu près la même impression. Zonca nous amène dans un état de lassitude et de découragement rarement atteint. Le générique de fin est une véritable délivrance.


Julia de Erick Zonca avec Tilda Swinton (2008)

18 mars 2008

Paris

Fête du cinéma oblige, nous sommes allés le voir. Il fallait aller au cinéma, profiter de la réduction, et notre choix s'est porté sur ce film. Nous avons longuement hésité entre celui-là et 10000, le film de Roland Emmerich. Klapisch ou Emmerich ? Emmerich ou Klapisch ? Voilà deux metteurs en scène dont on se délecte. Choisir Emmerich c'était payer pour voir des mammouths numériques courser des paysans du paléolithique souffrant de rages de dents, citoyens lambdas de l'âge de pierre pour qui le dilemme de chaque jour n'était pas de savoir s'ils allaient faire les courses ou si ça pouvait attendre le lendemain mais bien de savoir s'ils parviendraient comme la veille à sortir vainqueurs de leur féroce combat contre 15 mammouths remontés comme des pendules. Choisir Klapisch c'était payer pour voir un film choral idiot. Le choix s'est porté sur le second. Entre Camilla Belle vêtue de peaux de bêtes dans un film sur les Léopards de la préhistoire, et Juliette Binoche fumant du splif dans un appartement trop grand, nous avons fait notre choix.



Et sans le regretter. J'ai rarement autant ri au cinéma. Il s'est passé un truc assez rare. Ce film c'est une comédie dramatique : comprendre un petit drame dans lequel on rit quelques fois. Or nous nous sommes énormément marrés entre les scènes faites pour ça, pendant le drame en clair. C'est ce genre de film tellement profondément raté qu'il en devient génial. J'en veux pour preuves plusieurs scènes impliquant Romain Duris, qui joue le rôle d'un jeune danseur dont le cœur bat de l'aile et qui va mourir. Comment ne pas se marrer devant ces scènes, aperçues dans la bande annonce, où il annonce à sa sœur qu'il va y passer en murmurant avec une gueule que lui seul peut tirer : "Je te dis que je vais bientôt crever, et toi, tu m'engueules putain...", ou encore quand il sermonne sa sœur sur leur balcon en poussant dans un long râle: "Profiiiiiiite putain...". Que dire de ce plan magnifique où Duris, pourtant mourant, reste sur son balcon sous un torrent de neige. Sans parler de la fin, quand il est vautré dans le taxi qui l'amène à l'hôpital et qu'il regarde le ciel par la fenêtre comme un vieux clebs. Grandes scènes. Grandes scènes pendant lesquelles la salle restait de marbre tandis que nous riions de bon cœur. Il est d'ailleurs arrivé que certains se marrent avec nous sans trouver ça drôle, le rire étant parfois communicatif.



Et puis durant les séquences supposées drôles, et je dis bien supposées, la salle s'esclaffait comme un seul homme. Qu'on m'explique ces gens qui meurent de rire quand Luchini raconte à son frère le texto qu'il a envoyé à sa jeune étudiante (Mélanie Laurent) et dans lequel il s'est fait passer pour un camarade de classe en écrivant : "T'es tro belle, j'te kiffe trop grave". Cet extrait, loin d'être drôle, était entièrement dans la bande annonce. Du coup toute la salle l'avait déjà vu 101 fois. Et pourtant le public était plié en quatre. Dramatique comédie...



En tout cas ce film restera pour moi un grand souvenir. À ranger aux côtés d'un Fauteuils d'orchestre. Ces films que l'on ne saurait noter. 1 sur 10 ou 10 sur 10 ? Ces rares films à la fois terriblement mauvais et du même coup affreusement drôles. Klapisch tente tout ici, et c'est en tout cas son meilleur film à ce jour, de loin. Il tente tout, le film n'en finit pas, et d'ailleurs il ne finit pas, il s'arrête pour des raisons de délais de tournage mais il pourrait rajouter 2 plombes de film sans qu'on s'en aperçoive, et on les accueillerait avec le sourire. Ce bon Klapisch a même introduit des séquences tirées des rush de La graine et le mulet qui n'ont rien à voir avec son histoire, puis un court métrage complet tourné en 2D avec Cluzet dans le rôle principal. Son film n'a ni début ni fin, ni queue ni tête, comme la ville de Paris soi-disant. Les événements se suivent et ne se ressemblent pas, sans qu'on en comprenne toujours le sens. Les acteurs sont tous excellents et ça participe évidemment de l'effet hautement comique de certaines séquences prévues pour un effet tragique. Soulignons que la B.O. aura votre peau, notamment quand Duris écoute dans son salon la bande originale complète des Poupées Russes. À propos de ça on retrouve Zinedine Soualem. Il fait les marchés, c'est l'épicier du coin, et une nuit quatre mannequins avides de vit viennent le voir lui et ses potes dans l'immense entrepôt où ils vont chercher leurs marchandises pour les vendre au matin sur leurs étals, et Zinedine Soualem baise avec une des mannequins au milieu des quartiers de viandes pendus au plafond après une longue scène de séduction dans le labyrinthe de barbaque. C'est une séquence ça, probablement un hommage à Rocky, en tout cas ça constitue une séquence entière même si elle n'a aucun lien avec le reste du film, et y'en a mille autres comme ça. Pour vous donner une idée du génie de Klapisch !



À côté de ça Luchini tourne un documentaire d'Histoire pour la télé payé cent mille euros la bobine (véridique) et tombe amoureux de son étudiante. François Cluzet mène une vie normale, même s'il tourne dans des clips en 2D pour vanter les mérites de son entreprise dans le bâtiment. Romain Duris va bientôt crever putaiiiiiin... En faisant son marché Juliette Binoche tombe amoureuse d'Albert Dupontel, également vendeur à la tire dans le film. Un jeune africain tente de rejoindre la France en canoé-caillac. Julie Ferrier tombe amoureuse de Gilles Lellouche, lui aussi vendeur de fruits et légumes sur les marchés couverts, tout de suite après qu'il l'ait humiliée en lui faisant faire la brouette pendant 10 minutes dans un bar bondé de connards. Karin Viard joue une boulangère raciste comme elle seule sait le faire. Maurice Bénichou est excellent dans son rôle de psychiatre. Tous les acteurs font très bien leur boulot dans ce film mi-figue mi-raisin. Un film désespérément mauvais devant lequel j'ai passé un grand moment.


Paris de Cédric Klapisch avec Romain Duris, Juliette Binoche, Albert Dupontel, Gilles Lellouche, Fabrice Luchini et Mélanie Laurent (2008)

16 mars 2008

The Kingdom

Il sera difficile pour moi de résumer l'histoire de ce film puisque je n'ai pas bien compris. En réalité je me suis endormi pendant quelques moments-clés de l'intrigue, grosso modo du début à la fin. A vrai dire même mon père qui a pourtant vu le film en entier sans jamais fermer l'œil n'a pas vraiment su résumer l'histoire à son clebs, Oswald, lorsque celui-ci s'est réveillé, aux alentours du générique de clôture. D'ailleurs le générique d'ouverture raconte un siècle d'histoire, en se focalisant sur les relations américano-arabes certes mais ça reste un siècle d'histoire, et il ne le résume pas, il le décrit très en détail et c'est long, rien ne nous est épargné sur les différents évènements qui ont marqué les relations compliquées qu'entretiennent les États-Unis avec le Moyen-Orient, et ce par l'intermédiaire d'une série animée en 3D particulièrement moche ; bref, c'est assez original, j'avais jamais vu de générique comme ça, et ça me fait penser qu'ils auraient dû faire la même chose à la toute fin pour raconter le scénario du film, ç'aurait même été plus utile. Mais enfin c'est pas très grave de ne pas connaitre l'histoire racontée par Das Kingdom, là n'est pas l'intérêt du film. Non, il faut voir ce film pour deux choses : le bob de Jamie Foxx et la fameuse scène d'incompréhension entre ce même Jamie Foxx et un arabe qui n'est pas habitué à sa façon plutôt familière de parler l'anglais.


Jamie Foxx est un sacré acteur, l'un de ces quelques acteurs de couleur avec Whoopi Goldberg et Will Smith. Ces trois-là sont d'ailleurs les seuls à avoir remporté un Oscar au cours de leurs brillantes carrières. En voilà un quota éloquent. Trois acteurs de couleur à Hollywood, trois Oscars, plutôt pas mal les stat' ! The Kingdom a pu se réaliser uniquement grâce à Foxx Jamie, le projet ayant été mis en chantier seulement après qu'il a accepté d'y tourner bien qu'il se soit endormi à la lecture du scénario, ce qui aura provoqué un grave accident de bagnole, puisque Jamie Foxx a l'habitude de lire ses scripts au volant de son Hummer Mini-Cooper. On ne saura donc jamais vraiment pourquoi Jamie Foxx a accepté de figurer, et le mot est faible, dans un tel film. Peut-être que c'est l'idée de passer quelques temps en terrasse des bars les plus huppés de L.A. tous frais payés qui l'a branché. Une chose est sûre : puisque l'acteur a jugé qu'il portait littéralement le film sur les épaules, il a estimé tout à fait légitime de se comporter comme en vacances et de saboter l’œuvre en arborant un bob Pierre Cardin sur le crane du début à la fin. Et Jamie Foxx est bel et bien le seul acteur qui peut se permettre de porter un truc pareil sans perdre de sa crédibilité ni de son charisme dans une histoire pourtant pas du tout propice à la rigolade. Pourtant on y retrouve quasiment tous les acteurs habitués à tourner dans les films des frères Farelly, notamment les gros blackos qui servent de fils à Jim Carrey dans Fous d'Irène, chose tout à fait curieuse soit dit en passant, peut-être une erreur administrative à Hollywood ? Sans doute ! Toujours est-il que ça explique certainement le casting du dernier film des frères Farelly composé à 95% de gros bras du Bronx abonnés aux thrillers musclés. La qualité et la crédibilité des deux films en pâtissent salement.

Et donc la fameuse scène de malentendu entre Jamie Foxx et son pote arabe, une scène que l'on aurait aimé retrouver dans un film comme Lost in Translation, qui a malheureusement préféré se concentrer sur l'histoire d'amour platonique entre un vieillard et une jeune tocarde.


The Kingdom (Le Royaume) de Peter Berg avec Jamie Foxx (2007)

Joyeux Noël

Très tôt j'ai repéré que je n'avais pas téléchargé le film animé de Tim Burton sur la fête de Noël que je comptais voir pour pouvoir discuter avec mes amis dont c'est unanimement le film préféré...

Non ça c'est un film de guerre où on en prend plein la vue. Les scènes de bataille sont filmées caméra au genou, l'objectif n'est jamais à moins de cinq centimètres des sacs à dos des soldats quand les plans ne sont pas carrément réalisés depuis l'intérieur de leur besace (je pense que la caméra est restée allumée dans le sac-à-dos du réalisateur et qu'il a ajouté les images au montage final pour obtenir plus d'intensité), du même coup on ne voit strictement rien mais on est plongé au cœur de l'action. Et au vu d'un certain logo immédiatement reconnaissable et récurrent à l'image, j'oserai émettre un doute quant à l'existence, à l'époque, de la marque Quetchua. Mais avec les milliers de spécialistes de la guerre de 14 qui se sont cotisés pour accoucher de ce script j'imagine que rien n'a été laissé au hasard au niveau de la vraisemblance. Et puis l'affiche le dit bien : "Une histoire vraie que l'Histoire a oubliée". Nul doute que l'histoire en question c'est celle de l'entreprise Quetchua. Ils auraient dû écrire: "Une histoire vraie que l'Histoire a oubliée et que même les historiens n'en sont pas sûrs".



C'est l'histoire d'une fraternisation qui a eu lieu en décembre 14 (il n'y avait alors pas encore assez de tués dans les deux camps pour qu'ils aient encore envie de faire la fête ensemble), le soir de Noël, où soldats allemands, écossais et français sont sortis de leurs tranchées pour jouer au foot ensemble avec des cranes en guise de ballons, au milieu des cadavres. Et dans le film ça n'est pas bien compliqué de sortir des tranchées puisqu'elles ne font jamais plus de 10cm de profondeur. Le producteur s'en est justifié en évoquant les délais draconiens imposés par lui-même à l'équipe de tournage et en expliquant qu'il avait eu la fière idée de demander à son chef décorateur d'utiliser les rigoles d'évacuation des eaux usées de la ville de Lens en guise de tranchées afin de sortir le film à Noël (le tournage ayant débuté le 24 décembre au matin).



Alors bien sûr au nom du cinéma cette fraternisation est un brin romancée, à peine enjolivée. À l'image du couple de chanteurs d'opéra allemands, de passage sur le front de la Somme, qui pousse la chansonnette pour les soldats. Sans doute est-ce une anecdote vraie mais c'est si grossièrement mis en scène qu'on n'y croit pas une seconde. "Une histoire vraie, que l'Histoire a oubliée et que ce film tâchera de faire passer pour fausse". C'est si joliment arrangé que la cantatrice est interprétée par la sublime Diane Kruger. Or le réalisateur de ce bourbier nous épargne le gigantesque gang-bang que la présence d'une telle femme dans les tranchées aurait forcément provoqué en réalité, et avec le consentement de son époux encore ! Tout est édulcoré au possible, par exemple il y a de la boue partout sauf dans les tranchées, où la vie en plein hiver semblait assez peinarde. Et tandis qu'on se fait chier comme jamais Dany Boon est en repérages pour son film Bienvenue chez les ch'tis. On assiste au making-of du film qui fait salle comble aujourd'hui. Le comique aux oreilles décollées et à l'accent incompréhensible écrit son scénario en douce et l'essaie devant nous dans un film qui ne s'y prête pas, aux côtés d'un Guillaume Canet de guingois, qui quant à lui faisait ses essais en douce sur la belle Diane Kruger sans nous faire croquer. Si vous avez aimé Bienvenue chez les Ch'tis, matez ce film, c'est le préquel. Au même titre que les 26 spectacles de Dany Boon sur scène. La vie de cette homme a été une longue répétition générale pour un film qui bat tous les records du box office français en ce moment même, ça se passe à côté de chez vous et vous en faîtes partie, vous faîtes partie de ce monde. Demain c'est la fête du cinéma, aidez Dany Boon a franchir la barre des 20 millions d'entrées en 10 jours et puis tirez vous une balle dans la tronche.


Joyeux Noël de Christian Carion avec Diane Kruger et Dany Boon (2005)

L'Homme qui murmurait à l'oreille des chevaux

L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux, aka L'homme dont la gueule puait le canasson, sous-titré L'homme qui avait un cheval collé au visage, aussi connu sous le titre L'homme dont la bouche sentait l'étable, mais encore L'homme qui avait du foin dans le nez, ou L'homme qui avait en permanence une crinière greffée au menton et enfin L'homme coton-tige, le coton-tige des hippodromes.

Un titre comme ça fallait le caguer. Et c'est peu dire quand on sait que c'était un bouquin avant d'être un film, et que ce titre cataclysmique a été publié à des millions d'exemplaires, imprimé et réimprimé. Sur ma table de chevet j'ai L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux et sous mon lit j'ai de la paille et un abreuvoir. Ce film c'est un coup de poignard. Bob Redford c'est le couteau-suisse de la mise en scène.




L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux de Bob Redford avec Bob Redford et Kristin Scott Thomas (1998)

13 mars 2008

The Notebook

Atteinte de la maladie d'Alzheimer Allie (Gena Rowlands) vit en maison de retraite. Tous les jours un autre vieux nommé Noah (Sam Shepard) vient lui lire la même histoire. Cette histoire c'est la leur, qu'Allie a couchée sur carnet quand elle a appris qu'elle était malade, pour que Noah la lui lise encore et encore et qu'elle ne l'oublie pas. À grands coups de flashbacks on retrouve donc Allie (Rachel McAdams) dans les années 30, jeune fille issue d'une famille extrêmement riche dans le sud alabamesque des États-Unis, éperdument amoureuse d'un beau jeune homme de basse condition, Noah donc (Ryan Gosling), dont sa mère tâche de l'éloigner sachant qu'il est pauvre et qu'elle veut que sa fille se marie par intérêt, comme elle, et qu'elle ait une vie aussi pourrave que la sienne. Ainsi sont-ils séparés non seulement par des beaux-parents ignobles, mais aussi par les obligations de la jeune étudiante qu'est Allie et par la guerre, qui lui prend Noah. Mais à la fin du conflit, alors qu'Allie s'apprête à épouser un avocat, elle tombe sur une photo de Noah dans le journal, qui vient de gagner Roland-Garros (cocorico), et décide d'aller le retrouver. Leur amour est intact et ils n'auront de cesse de le consommer. Mais Allie fera des allers et retours entre ses deux hommes, incapable de prendre une décision, avant de finalement choisir Noah avec qui elle passera le reste de sa vie jusqu'à ce que la mémoire les sépare.


Faut vraiment aller au cinéma voir des navets pour admirer des trépanés tout heureux de se prendre un gros gisclar sur le kloss

C'est l'histoire la plus chiante qui soit. C'est un film pour mamans mais c'est le dernier échelon du genre. C'est le Atonement du pauvre, y'a qu'à voir les actrices des deux films pour en voir les symptômes : alors que Keira Knightley nous refilait la chair de poule dans l'autre film, ici Rachel McAdams à deux voies nous donne quelque haut-le-cœur. Chacun sait que la plus ennuyeuse et convenue des histoires peut accoucher d'une grande œuvre d'art, et que ça n'est qu'une question de traitement, si l'on peut dire. Mais ne comptez pas là-dessus avec Nick Cassavetes. Si Roland Barthes a écrit Le degré zéro de l'écriture, ici Nick Cassavetes signe fièrement le degré zéro de la mise en scène. Ce film est d'une platitude, d'un mièvre, d'une petitesse sans frontières. Avant chaque scène, chaque dialogue, chaque plan, on sent venir, on imagine ce qui pourrait suivre de plus évident et de plus bête, car nous sommes nous-mêmes bien peu de choses (c'est mon amie la rose qui me l'a dit ce matin), et on n'est jamais déçu, on y a bien droit, inlassablement. Quand il n'arrive pas à le mettre en scène Nick Cassavetes raconte un élément de l'histoire en voix off. En réalité le générique d'ouverture donne le ton : une très longue suite de plans de paysages et d'oiseaux en vol au ralenti, filmés avec un filtre rouge écarlate sanguinolent sur fond de violons dégoulinants. Quand on est le fils de John Cassavetes, qu'on a la chance de réaliser un film grâce à cette filiation bienheureuse, et qu'on tourne une chiure pareille, on a encore moins le droit au pardon. En plus ce pauvre type traîne sa mère, la grande Gena Rowlands, dans la merde en lui refilant le pire rôle possible, ça c'est ce qu'on appelle un fils illégitime. Un gros bâtard.


The Notebook (N'Oublie jamais) de Nick Cassavetes avec Ryan Gosling, Rachel McAdams, Gena Rowlands, et Sam Shepard (2004)

11 mars 2008

Hot Rod

Putain enfin une comédie américaine drôle, ça court plus les rues... Et quand je dis drôle c'est pas qu'on sourit trois ou quatre fois, c'est qu'on se marre vraiment, à gorge déployée. L'acteur principal au centre de l'affiche c'est Andy Samberg, qui a déjà officié à la télévision ricaine. Retenez bien ce nom. Ce type est méga bon. Il a pigé bon nombre d'astuces (dont certaines lui viennent directement de Jim Carrey et c'est pas peu dire) que seuls les grands comiques savent maîtriser. Il fait partie de ces funambules de la comédie qui savent où est la limite et qui flirtent avec. Ils vont jusqu'au bout, à la lisière du trop plein, mais ils s'arrêtent juste avant, là où on se fend la gueule et où on regrette que chaque gag ne soit pas plus long justement parce qu'il s'arrête pile quand il faut.

Pour vous toucher deux mots de l'histoire, c'est celle de Rod Kimble, cascadeur amateur qui tâche de réunir assez de fonds pour payer une greffe du cœur à son beau-père afin de le tirer d'affaire. Tout ça juste pour qu'ils puissent à nouveau se mettre leurs roustes habituelles dans leur garage et que Rod parvienne enfin à casser la gueule de son beau-père pour gagner son respect.



Et c'est pas comme s'il n'y avait que l'acteur principal de drôle. Le beau-père est interprété par Ian McShane que vous aurez peut-être croisé sous les traits d'Al Swearengen dans Deadwood et qui montre un grand potentiel d'acteur dans un genre évidemment très différent. Et puis hormis Sissy Spacek on découvre principalement des inconnus, dont certains ont leur quart d'heure de gloire dans ce film. Puis pour ces messieurs il y a aussi une rouquine qu'on a cru être la sœur de Jenna Fischer étant donné qu'elle porte le même blaze (même s'ils ne s'écrivent pas exactement pareil) et surtout les mêmes arguments physiques. Le film commence vraiment par un gag qui donne le ton. Le héros est en train de s'entraîner comme un abruti dans les bois puis il trébuche et chute vers le flanc de la montagne. Et la chute dure et dure. Et même quand on est persuadé qu'elle est finie elle continue, ça paraît con mais avec le personnage qui dévale à toute allure la pente en se fracassant le corps contre les arbres et en hurlant à la mort comme de rire dans une scène un poil trop longue ça devient très, très drôle.

Les gars qui ont fait ce film ont pigé un truc tout con qui consiste à savoir faire durer des situations marrantes un tout petit peu plus longtemps que nécessaire pour les rendre hilarantes. Plusieurs scènes sont à mourir de rire grâce à ça. Puis y'a beaucoup de moments où on voit bien que les acteurs improvisent et que c'est gardé au montage. Parfois même les séquences sont coupées brutalement sans doute parce que les gars se sont marrés après et ça donne un certain rythme au film assez original. Très bonne surprise donc et fameuse poilade. Si y'a pas de touche rewind sur votre lecteur dvd vous allez le maudire.


Hot Rod d'Akiva Shaffer avec Andy Samberg, Bill Hader, Ian McShane et Isla Fisher (2007)

9 mars 2008

Trade

Si on croit la légende qui entoure la genèse de Trade, Marco Kreuzpaintner aurait eu l’idée du film un beau matin en consultant son programme TV et en constatant qu’il n’y avait rien de prévu pour le soir même. C’est dans le même magazine qu’il vit un article à propos d’un documentaire traitant du commerce d’esclaves sexuels liés aux réseaux pédophiles. En lisant ça en diagonale, Marco, choqué, s’est juré de ne jamais regarder ce documentaire et s’est donné pour objectif de réaliser le film définitif sur le sujet, avec l’espoir de le boucler dans la journée, afin qu’il puisse le regarder le soir même, et ainsi passer une soirée sympathique. L’audace et l’ambition de Kreuzpaintner, ses deux plus grandes qualités. Hélas, le tournage déborda sur quelques jours et le film ne fut pas achevé le soir même du lancement du projet. Quand on se rend compte de la qualité du film, on comprend tout à fait qu’il ait fallu plus d’une journée pour l’achever ; dans la carrière de Kreuzpaintner, Trade apparaît comme le point culminant.




Pourquoi ? Parce que c'est le plus riche et le plus complet, celui dans lequel le réalisateur parvient le mieux à étaler tout son talent. Citez moi un autre film dont l'essentiel du budget est liquidé dès le générique, preuve de la générosité sans limite de son réalisateur. Citez moi un autre film où chaque acteur joue comme si sa vie en dépendait, sans doute parce qu’effectivement ils sont les cibles de menaces de mort du metteur en scène. Citez moi un autre film où l’actrice la plus âgée à l’écran a à peine 8 ans mais apparaît tout de même topless en full frontal. Citez moi un film dans lequel on retrouve donc le clip d’une chanson de bossa nova particulièrement chouette (le fameux générique d’ouverture), un documentaire riche en informations faisant froid dans le dos sur le commerce d’enfants, la bande-annonce du précédent film du réalisateur très discrètement incrustée au montage, et plusieurs des meilleures pubs du dernier Festival International de la Publicité de Pittsburg. Non, ne cherchez pas, vous n’en trouverez pas !




Ce film c'est un peu le Bohemian Rhapsody du 7ième art. Une œuvre qui part dans toutes les directions sans jamais perdre de vue son objectif. Une oeuvre incontournable où tous les grands thèmes récurrents du cinéma de Kreuzpaintner sont présents : les relations père-fils, la religion, les relations oncle-neveu, la croyance, la sexualité, les animaux domestiques, la foi et le doute en sa propre destiné.

Parmi les films de Kreuzpaintner (Trade et Summer Storm, rappelons-le), Trade est donc mon préféré, mon chouchou, celui que je conseille à tous les cinéphiles et en règle générale à toutes les personnes un peu intéressées à l’idée de connaître l’âpreté de la société dans laquelle nous vivons.

Ah, qu’est-ce qu’on est bien, tout seul, dans son salon, les doigts de pieds en éventail posés sur la table basse, en train de regarder un film de Kreuzpaintner.

On est tellement soulagé quand ça s’arrête.


Trade de Marco Kreuzpaintner avec Kevin Kline (2007)

Summer Storm

J'aime tous les films du cinéaste Marco Kreuzpaintner. Tous possèdent leurs petits morceaux de bravoure, leurs « scènes d'anthologies » diront d'autres, mais pas moi car je ne comprends pas ce mot. A vrai dire, je ne comprends pas non plus le terme « morceaux de bravoure », mais ça ne m’empêche pas de l’utiliser et de vouer un culte à Kreuzpaintner ! Ce type-la occupe une place tout à fait à part dans le cinéma actuel et vous allez très vite comprendre pourquoi. Tous ses films valent le coup d'être vus et je suis fier de posséder chacun d'eux en dvd collector (ce ne sont pas à proprement parler des éditions dites "collector", mais comme je les collectionne, elles le deviennent inévitablement !). Je les expose dans mon salon où personne n'est jamais invité, à l’abri d'aucun regard. Ils trônent littéralement sur le meuble de ma télé, bien mis en évidence, et je suis content chaque soir de les savoir à mes côtés. J’achèterai bien les figurines s’ils en fabriquaient, mais il n'en existe pas, c’est pas faute de m’être renseigné !



Pour les profanes, je vais faire un petit topo rapide sur Marco Kreuzpaintner. Littéralement « le peintre crucifié » en slave, ce réalisateur, originaire du Costa Rica et expatrié en Allemagne pour des raisons géopolitiques, a très tôt exprimé son envie de saisir notre époque à travers des films pourtant intemporels qui traitent tous de l’une des questions centrales de nos sociétés contemporaines. Après avoir vendu son âme au diable en réalisant quelques clips pour les entreprises Danone et remplir ainsi son frigo, Kreuzpaintner, le compte en banque bien garni, a enfin pu s’attaquer à des projets qui lui tenaient à cœur. Malheureusement, des projets, il en avait très peu. Ou l’inverse : il en avait beaucoup trop. Car il souffrait en fait d’un véritable problème d’enfant gâté, une manie de gosse de riches : à l’affût de tout et doté d’une imagination sans limite, Kreuzpaintner avait un nouveau projet à chaque minute, ce qui lui rendait impossible d’en mener un à terme et ce qui rendait difficilement supportable la vie à ses côtés. Pour que vous cerniez mieux le personnage, je vais vous rapporter une scène de sa vie décrite par sa mère dans un entretien accordé à l’obscur journal allemand Das Tuch : « Je découvrais un matin Marky Marco face à sa tranche de fromage quotidienne. Chaque matin il mangeait un grand morceau de gruyère accompagné d’un œuf au plat baignant dans de l’huile de foie de morue. C’est comme ça que j’ai élevé tous mes gosses et ça risque pas de changer aujourd’hui. Marky était donc là face à son gruyère, plongé littéralement dans la contemplation de ce bout de fromage. Il m’a alors regardé droit dans mon œil de verre et m’a annoncé qu’il envisageait de réaliser un film sur la conquête spatiale, dont la moitié se déroulerait sur la Lune. C’est alors qu’une mouche s’est posée sur son nez, il l’a chassée d’un geste et, l’air illuminé, il m’a alors déclaré qu’il allait mettre en branle un nouveau remake de La Mouche. J’étais perdue. Et ça n’a pas arrêté pendant toute la journée ! Le lendemain, je l’ai inscrit dans l’internat de garçons le plus mal réputé de la ville ». Un témoignage émouvant de l'amour d'une mère à moitié aveugle pour son fils et une citation qui en dit long sur l’ambition débordante chez cet enfant déjà convaincu qu’il deviendrait metteur en scène.



Quelques années plus tard sort le premier long-métrage de Kreuzpaintner : Summer Storm. Sans doute inspiré de ces années vécues en internat, celui-ci aborde le thème épineux de l’homosexualité chez la jeunesse allemande. Le film correspond à 1h40 passées entre quatre murs, ou plus exactement dans une école primaire en compagnie de 12 garçons qui découvrent un à un que leur sexualité n’est pas celle qu’ils croyaient. Pour saisir tout le sens de ce film il faut savoir que Marco Kreuzpaintner soufflait sa 10ième bougie lorsque le mur de Berlin s'effondra en 1991. Cet évènement a profondément marqué son adolescence et donc sa philosophie de vie. Toute son œuvre en est la preuve : les murs et les cloisons sont de tous les plans, raison pour laquelle Summer Storm est un huis clos. Un huis que je qualifierai même d’extrêmement clos puisqu’à aucun moment la caméra ne sort prendre l’air. Kreuzpaintner est également fasciné par la brique et le béton, qui occupent une place souvent décisive dans l’intrigue de ses films. C’est une brique qui sauve la vie du personnage principal de Summer Storm, et c’est cette même brique qui va servir d’arme pour éliminer son ennemi libidineux, sans parler du mur de briques sur lequel les deux personnages sont adossés.



Bien que d'apparence très personnelle, la finalisation de Summer Storm a été rendue possible grâce à un stagiaire occupant le rôle d’assistant réalisateur et qui a pour l’occasion endossé un rôle allant bien au-delà de la simple assistance puisqu’on lui doit en vérité l’ensemble du film, Kreuzpaintner étant alors plus occupé à filmer tout ce qui lui passait sous les yeux (c’est d’ailleurs sur le tournage qu’il découvre sa passion pour les papillons et les sauterelles). En réalité, Kreuzpaintner a seulement eu l’idée initiale du film après avoir lu un article à propos d’Elton John dans Den Neuen Beobachter (Le Nouvel Observateur allemand) et il a ensuite rédigé le premier jet du scénario en écoutant ce même chanteur, ce qui explique en partie sa qualité. Malgré tout, Summer Storm s’avèrera être un franc succès auprès de la critique qui attribuait sans doute à notre allemand préféré des intentions qui ne lui avaient même pas effleuré l’esprit. Un journaliste débordant d’enthousiasme l’a même décrit comme la réincarnation bavaroise de Stanley Kubrick, sans même savoir qu’il adressait de cette façon un sacré compliment à l’assistant réalisateur.



En dehors de tout ça, Summer Storm a surtout permis à Kreuzpaintner de gagner un gros paquet d’oseille mais aussi une réelle crédibilité en tant que cinéaste. Il a ensuite pris soin de mettre dans l’ombre son assistant dont on ne saura jamais le nom. Summer Storm ouvre donc grand les portes d’Hollywood à notre ami allemand, qui va en profiter pour mettre en boîte Trade, dont je vais vous parler par la suite.


Summer Storm de Marco Kreuzpaintner avec Robert Stadlober (2004)

6 mars 2008

L'Heure d'Été

Ce nouveau film d'Olivier Assayas ravira ceux que ses dernières œuvres, qu'on pourrait qualifier d'américaines pour aller très vite (du mitigé Demonlover en passant par l'honorable Clean pour finir avec Boarding Gate), avaient laissés en porte-à-faux. Aujourd'hui Assayas revient à ce qu'il avait réussi plusieurs fois, et notamment une fois avec Fin août, début septembre, un de ses plus beaux films. D'ailleurs les deux récits se font écho. Dans Fin août Adrien (François Cluzet), écrivain au succès en demi-teinte, se savait atteint d'un cancer incurable et prévoyait sa mort, que ses amis les plus proches encaissaient tant bien que mal quand elle finissait par le(s) frapper. S'occupant de régler les affaires de leur ami défunt, ces derniers découvraient entre autres un amour récent de l'auteur, amour secret puisque partagé avec une jeune fille de 16 ans (incarnée par Mia Hansen-Løve). Dans L'heure d'été, Adrienne (Juliette Binoche), Jérémie (Jérémie Rénier) et Frédéric (Charles Berling) fêtent en compagnie de leurs enfants les 75 ans de leur mère Hélène Berthier (Edith Scob), qui a passé sa vie à prendre soin de la collection d'œuvres d'art de son oncle, un artiste célèbre, et qui se sachant près de la fin souhaite préparer sa succession sans pour autant ne rien imposer à ses descendants. Ses enfants partis, la vieille dame se meurt dans sa grande demeure. Assayas filme très sobrement et très justement cette solitude propre à une maison vidée de ses enfants. Et puis ce qui devait arriver arrive et Hélène disparaît, laissant ses enfants débattre des questions d'héritage dans un calme olympien, sans grande dispute malgré de profonds désaccords. Puis les trois enfants apprennent que leur mère vivait une profonde bien qu'impossible histoire d'amour avec son oncle. Et savoir ça ne va pas aider Frédéric à se débarrasser des œuvres du grand-oncle, car lui seul est attaché à cette maison de famille et aux trésors qu'elle renferme, tandis que l'autre frère et la sœur préfèrent tout vendre pour assurer leur avenir professionnel en Chine ou à New-York.



Au début du film, qui se déroule donc dans le domaine d'Hélène, Assayas use de mouvements de caméra portée permanents qui rappellent ceux de la ballade dans les bois d'Adrien et Jenny (Jeanne Balibar) dans Fin août. Cette mise en scène mouvementée correspond à des moments de pleine vie pour Adrien comme pour Hélène. Et puis la caméra se pose après la mort de la mère pour passer d'un enfant à l'autre tandis qu'ils exposent leur vues sur la gestion de l'héritage dans une grande scène très "japonisante" (comme le dit Adrienne à propos d'un vase), très orientale en tout cas, qui rappelle Hou Hsiao-Hsien, le maître avoué d'Assayas avec qui Juliette Binoche vient d'ailleurs de tourner un film magnifique, Le Voyage du ballon rouge. Le film connaît plusieurs ralentissements mais renaît sans arrêt et part dans de nouvelles directions. C'est très troublant et très singulier de voir cette œuvre repartir encore et encore vers de nouvelles choses. Et puis les séquences deviennent comme des tableaux. Pour exemple la longue et minutieuse fouille de la maison par des experts qui énumèrent tristement les objets de valeur qui s'y trouvent, alors dénués de toute la poésie que savait leur conférer Hélène, la maîtresse illégitime de l'artiste. Puis les antiquaires déballent les vases et l'argenterie comme en les violant, séquence qui évoque la vente aux enchères de L'éducation sentimentale où les objets appartenant autrefois à Madame Arnoux étaient distribués, bradés sous les yeux impuissants d'un autre Frédéric, à qui ils évoquaient mille souvenirs et deux mille images. Séquence que complète celle où Frédéric (celui de L'heure d'été) et sa femme observent un bureau de leur mère exposé au musée d'Orsay sous les yeux de visiteurs impassibles qui répondent au téléphone en pleine visite.



Et puis le film s'achève sur un retour à la jeunesse. À part Frédéric, aucun des deux autres enfants n'avait connu ou se souvenait de leur grand-oncle, l'artiste Berthier, et ils n'ont de cesse de répéter que cette maison ou ces œuvres d'art ne leur évoquent plus grand chose. Il y a un défaut de communication évident entre les générations. Les deux enfants de Frédéric lui disent que les tableaux qu'il veut leur léguer après sa mort, comme cela se fait de génération en génération dans la famille, sont largement trop vieux pour leur plaire. Avant de mourir Hélène se plaignait que sa fille Adrienne n'eût pas de goût pour l'argenterie du passé. Durant l'anniversaire initial les petits-enfants d'Hélène ne sont à aucune moment dans le cadre avec elle, sauf pour lui dire au revoir. Et enfin, après que Frédéric est allé chercher sa fille au commissariat où elle est en garde-à-vue pour vol à l'étalage et possession de drogues, bien que père et fille soient tous les deux consommateurs de joints le courant ne passe pas et les portes claquent. Ainsi à la toute fin du film, les enfants de Frédéric et leurs amis investissent la maison familiale en passe d'être vendue pour y faire une grande fête avec l'aval de leurs parents qui après tout s'en foutent maintenant que tout est vendu. Et alors Assayas fait un joyeux retour vers L'eau froide (dont le présent film semble être un double adulte, prenant pour sujet les parents de l'héroïne de l’œuvre de 1994), avec une caméra très mobile qui passe d'un groupe de jeunes à l'autre et ne s'arrête jamais tandis que les jeunes filles dansent et que les garçons jouent au foot sur une musique assourdissante. Et puis la fille de Frédéric remplace Virgine Ledoyen qui amenait son amant par la main, par le bout du nez, dans les bois, où personne ne viendra les trouver.



Frédéric est le personnage principal de ce film, celui des trois frères et sœur qui n'est pas d'accord et qui subit ces ventes la mort dans l'âme. C'est le héros, un héros qui va contre deux personnages expatriés aux États-Unis et en Chine, les deux pays où Assayas s'en est allé dans ses trois derniers films. Si ça n'appelle pas au retour décidé d'Assayas en France et vers son plus grand cinéma ça...


L'Heure d'Été d'Olivier Assayas avec Charles Berling, Juliette Binoche et Jérémie Rénier (2008)

5 mars 2008

Calme Blanc

En 1988 Phillip Noyce enfonce les portes de la Warner Bross pour soumettre son nouveau projet au directeur de l'illustre maison de production. Son film racontera l'histoire d'un jeune couple, John Ingram (Sam Neill) et Rae Ingram (Nicole Kidman), qui vient de perdre son unique enfant dans un terrible accident de voiture. Pour se changer les idées et se mettre au vert, ils décident de partir en mer sur un voilier pour une période indéterminée qui s'achèvera quand bon leur semblera. Mais voilà qu'ils repêchent le dernier rescapé d'un bateau naufragé et que cet individu nommé Huguie (Billy Zane) s'apprête à copieusement les faire chier. Ne laissant pas Phillip Noyce terminer son explication de texte, le directeur de la Warner lui serre vigoureusement la main avant de lui déclarer : "Ton idée c'est du déjà craché et recraché mais ça me plaît terriblement, je vais produire ton film et te dégoter un budget à trois chiffres". Ce que le célèbre producteur devait oublier de préciser c'est qu'il y aurait une virgule perdue dans ces trois chiffres et placée plus près du début que de la fin.


Billy Zane, avant de s'attaquer à la baleine Kate Winslet, s'en était pris à l'étoile de mer de Nicole Kidman

Vous vous demanderez peut-être comment avec un budget si dérisoire Phillip Noyce a pu réunir Nicole Kidman et Sam Neill dans un même casting. Mais ne vous détrompez-pas, ce film date de 1989, et il marque les premiers pas d'une frêle et rousse Nicole Kidman au cinéma. Même combat, plus ou moins, pour Sam Neill. Et idem pour Billy Zane que ce rôle devait condamner à jouer les trouble-fête en bateau (rappelez vous de lui dans Titanic). Et comment ne pas s'extasier devant l'insondable beauté de cette Nicole Kidman des premiers âges. Ce corps bâti selon le nombre d'or, cet échafaud de callipyge surmonté d'une tête d'ange à la peau blanche comme neige, translucide, on peut voir ses organes à travers ! Ce visage de déesse couronné par une immense chevelure écarlate et que percent des yeux d'un turquoise inhumain. Si le titre français du film est "Calme blanc" laissez moi vous dire que dans mon slipard j'assistais à une véritable tempête. Alors on me reprochera de ne m'adresser ici qu'à la gent masculine. Fort bien. Parlons un peu de Sam Neill. Et ses yeux bleus-de-mer-de-Grèce ne sont pas de reste. Quel bel homme. Invariablement affublé de la même coiffure depuis sa naissance, la seule possible. Immanquablement vêtu de la même chemise bleue qu'il portait lors de son premier casting et qui depuis ne le quitte plus. Sauf à de rares instants, comme quand il travaille à fond de cale d'un bateau qui coule, auquel moment il se résout à dévoiler son torse de bûcheron. Un duo d'acteurs de haut niveau donc, à côté desquels Billy Zane fait bien pâle figure.


Cette chevelure de fauve, ce regard bleu océan, ces lèvres rose-bonbon, je ne sais même plus lequel de Kidman ou de Neill je suis en train de décrire...

Pauvre Billy Zane, comment rivaliser face à Sam Neill, qui comme à son habitude nous gratifie de quelques uns de ses gestes d'acteurs les plus célèbres. Qui n'a jamais vu Sam Neill comprenant ou découvrant quelque chose sur le tard, se retourner très lentement vers la caméra, le menton bas et les yeux plissés. Qui n'a jamais vu Sam Neill, dans la situation la plus désespérée, s'émerveiller de choses aussi dérisoires qu'un bateau en feu, les bras légèrement écartés du corps, paumes ouvertes vers l'objet de sa satisfaction et sourire niais collé au visage. Qui n'a jamais vu ça n'a jamais vu un film avec Sam Neill. Ces techniques d'acteurs appartiennent à Sam Neill, il en possède les droits et gagne de l'argent quand un autre acteur dans le monde les emploie, c'est le Label Sam Neill et les actionnaires de l'Actor's Studio s'en bouffent les doigts.


La terreur, par Sam Neill. Enjoy.

Comment rivaliser dans le rôle d'un schizophrène assassin qui met une bonne demi-heure à se décider avant de posséder physiquement une Nicole Kidman radieuse à souhait en l'absence de son époux. Oui parce que quand le couple repêche cet étrange individu nommé Huguie, Sam Neill sent bien qu'il y a quelque chose d'étrange et il décide de l'enfermer pour se rendre sur le bateau à la dérive qu'a fui le rescapé. "Qu'est-ce qui te fait croire ça" lui demandera sa femme, et l'imperturbable Sam Neill de lui répondre: "25 années passées sur des bateaux". Et il découvrira bel et bien sur l'épave que les différents membres de l'équipage ont été tués par Huguie les bons tuyaux. Mais John Ingram n'aura pas le temps de rejoindre son propre voilier car ce dernier a foutu les voiles avec Huguie aux commandes et Nicole Kidman à son bord. N'ayant d'autre choix pour rejoindre sa femme, Sam Neill décide de pomper l'eau qui envahit le navire d'Huguie, de colmater ses brèches et de réparer son moteur sur fond de musique africaine entêtante. Inutile de vous cacher que le rythme ralentit considérablement tandis que l'on observe, non sans plaisir, Sam Neill remettant à flots un bateau à 95% coulé et détruit.


Est-ce quelqu'un connaît l'adresse d'un chirurgien capable de me faire ce cul ?

Et pendant ce temps Nicole Kidman négocie au quotidien avec son ravisseur. Originalité du script, l'ennemi en question n'est pas un tueur irréfléchi mais un simple gars un peu dérangé qui pète les plombs une fois par jour, moment de la journée où mieux vaut ne pas traîner dans les parages afin de ne pas finir avec un pieu enfoncé dans le cœur jusqu'à la garde. Et malgré ses manœuvres, Rae Ingram finira par céder à Huguie par la faute de son chien. C'est dur à croire mais c'est pourtant vrai. Le clébard du couple, remplaçant du gamin tué au début du film, est un personnage à part entière qui aura son importance dans le récit quand il décidera le mord aux dents de se liguer avec Huguie. Il finira empalé sur une porte à coup de harpon. Un soulagement pour tout le monde tant le démon s'était emparé de ce chien mouillé. À la fin du film, après que Rae Ingram s'est débarrassée d'Huguie et que Sam Neill est passé à deux doigts de se noyer dans la cale du bateau qu'il avait sans doute mal réparé, puisqu'on le retrouve, sans explication après une ellipse douteuse, à nouveau inondé en ce qui concerne la partie immergée et complètement enflammé concernant le pont et les voiles - après ces nombreuses péripéties donc, le couple se retrouve enfin, serein et comblé. Mais ne comptez pas sans un ultime retour du tueur fou, aussitôt congédié par un Sam Neill que les tentatives d'assassinat de Bill Zane ne font plus du tout marrer et qui l'expédie dans l'eau avec une fusée éclairante logée dans l'oreille gauche.


Calme Blanc de Phillip Noyce avec Nicole Kidman et Sam Neill (1989)